Semaine 28 – 1998 ± 7 – lectures, ennui et espoir

La vie quotidienne, l’air de la bêtise, chanson de Jacques Brel

D'abord l'ennui

Cette semaine, on avait un sacré programme "lecture" avec deux feuilles de propagande imprimées avec les deniers publics, "écrites" par des tâcherons du porte-plume appointés avec les deniers publics, dans lesquelles on essaie de nous convaincre que ce sont le dévouement, la vertu et l’incorruptibilité, pour reprendre les qualités que l’on reconnaissait à Robespierre, qui président aux choix qui nous sont imposés. Passons sur cette publication émanant du conseil général, dont le directeur de publication n’est autre que ce nouveau sénateur dont on sait par avance qu’il sera aussi transparent au Palais du Luxembourg qu’il est incapable de régler la question du collège Galilée à Lingoslheim [ au passage, quand on tape "collège Galilée lingolsheim", on lit "bienvenue sur le site du collège Galilée lingolsheim", ce qui ne manque d’humour, sûrement involontaire, naturellement, comprenne qui pourra ]. Exit donc ce bulletin.

Ensuite l'ennui-bis

Pour notre malheur, il y a eu cet insipide numéro 2 d’un Wmagazine, qui commence avec un "éd l’édito" d’enfer dans lequel on doit subir les jérémiades de celui qui se désole de la baisse des dotations de fonctionnement. Cette baisse est de 6,5%, et comme ce sont ces dotations qui servent à rémunérer les élus, dont on sait qu’ils sont soumis à un régime fiscal particulièrement favorable [ une tout petite centaine d’euros d’impôts à payer pour un élu qui perçoit des indemnités équivalant à un salaire de professeur en milieu de carrière ], on pourrait imaginer que le funambulisme local décide une baisse de tout ce qui est à sa discrétion : indemnités des élus et émoluments d’un directeur de cabinet dont on ignore toujours les attributions réelles, et qui, sous réserve d’inventaire, est au mieux un doublon d’un directeur général des services. Non, à la place, contournant la vérité, et sautant sur sa chaise comme un cabri en disant "– on ne touche pas aux taux, on ne touche pas aux taux !", nos funambules décident de baisser les abattements, de 15% actuellement à 10% dorénavant, ce qui revient au même. Notons d’abord que, dépourvus du minimum d’imagination, ils se contentent d’imiter les autres, appliquant là une recette qui a dû leur être soufflée par quelque cabinet de conseil dont on ne peut penser que du bien. Ensuite, concrètement, cela fera passer une contribution actuelle de € 130,00 à € 137,13, soit une augmentation réelle de 5,5% ou on ne sait pas compter.

On plaint d’abord celles et ceux qui sont contraints de noircir de banalités hagiographiques les 16 pages indigestes de ce laborieux trimestriel, dont le rédactionnel, mis bout à bout, tiendrait … sur trois de Pumpernickel ! Mais comme le chantait si bien Léo Ferré, dans "les temps difficiles", "… Cet écrivain n'a pas d' clients, il vit seul avec son talent, Mais faut bouffer et faut c' qu'y faut, Mêm' si l'on bouff' au Figaro …"

Et enfin, l'espoir !

Mais, comme on le sait, le pire n’est jamais sûr, et c’est le facteur, le vrai, pas la petite main humiliée que l’on sous-paie à "faire les boîtes aux lettres", qui a amené de quoi lire avec ce numéro 35 de Siné Mensuel, le journal qui fait mal et ça fait du bien.

"Zone" truculente de Siné dévorée comme d’habitude, et c’est vrai que ça fait du bien de lire ça, quand quelqu’un n’en est pas à se tortiller pour marcher droit, et au fil des pages, ce reportage sur Saillans qui fit encore plus de bien. Dans cette petite bourgade de 1 200 habitants, en plein fief du député Mariton, un gars qui a la langue bien pendue, surtout à droite de la droite, on pratique la démocratie directe depuis les élections municipales de 2014, remportées au premier tour [ 56,8% des voix, ça fait déjà rêver les funambules ! ] par une liste "Autrement pour Saillans, tous ensemble". Ouais d’accord, on a déjà entendu ça quelque part, mais ce n’était pas le même ordre ! Pour ne pas river les copains de Siné Mensuel de l’achat de quelques numéros de plus, et pourquoi pas de quelques abonnements de plus, ils le valent bien, on se contentera du chapeau qui est déjà bien éloquent :

"Cette commune de la Drôme a choisi la démocratie participative lors de la dernière élection municipale. Depuis sis mois, l’équipe élue propose aux citoyens de présider autrement à la destinée de leur village." Ajoutons que tout a commencé quand le maire et la communauté de communes ont annoncé l’installation d’un supermarché Casino dans la zone artisanale, à un kilomètre et demi du centre du village. De quoi asphyxier les magasins de proximité. Les habitants se sont levés et ont créé une association "Pays de Saillans vivant". Ils éditent un petit canard local, Quèsaquo qui appelle à la contestation et à la démocratie contre la soumission. On ne vous en dit pas plus, mais sachez qu’il suffit de changer les noms des rues, des personnages, des lieux pour retrouver un contexte que vous connaissez si bien.

En tout cas, c’est comme la monnaie locale, il y a deux camps, ceux qui la nient parce qu’ils refusent d’écouter ceux qui en proposent l’instauration et ceux qui la plébiscitent parce qu’elle leur rend des services qu’ils n’auraient jamais imaginés.

Et si on coupait le fil sur lequel les funambules font les malins ?